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ÉCHÉANCES ÉLECTORALES DE 2025 : L’OPPOSITION ANNONCE DES ACTIONS D’ENVERGURE

A cinq mois des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, l'atmosphère politique se tend dangereusement. La Coalition pour une alternance politique en Côte d'Ivoire (CAP-Côte d'Ivoire) a sonné l'alarme lors d'une conférence de presse tenue le 5 mai dernier à Abidjan. Selon cette coalition d'opposition, tous les ingrédients d'une nouvelle crise électorale se mettent en place sous nos yeux, dans un pays où les scrutins présidentiels sont historiquement marqués par la violence. Notre enquête révèle les failles d'un processus électoral contesté et les risques d'embrasement dans un contexte social déjà fragilisé.

 

Un climat social en détérioration

 

"On ne doit plus tuer ou se faire tuer pour son opinion !" Ce cri d'alarme, lancé par la CAP-Côte d'Ivoire, résonne comme un écho aux tragédies passées. Les chiffres sont éloquents et la mémoire collective ivoirienne reste marquée par ce bilan macabre : 30 morts lors des élections de 1995, 300 en 2000, 3 000 en 2010-2011 et encore 87 en 2020. Cette arithmétique funèbre témoigne d'une démocratie encore fragile où l'alternance politique reste un exercice périlleux.

 

La situation socio-politique actuelle présente plusieurs signes inquiétants de dégradation. Dans les quartiers populaires d'Abidjan, à Yopougon, Port-Bouët ou Adjamé, des déguerpissements qualifiés "d'inhumains et anarchiques" par l'opposition ont jeté des milliers de familles à la rue, y compris des élèves en pleine année scolaire. Ces opérations d'urbanisme forcé ont créé un premier foyer de tensions.

 

À ces troubles urbains s'ajoutent des crises sectorielles. Les producteurs d'anacarde du Nord, du Centre et du Centre-ouest du pays font face à des difficultés de commercialisation de leur récolte. Le secteur éducatif est paralysé par une grève des enseignants, émaillée d'arrestations contestées par les syndicats. Le front social est donc déjà brûlant avant même l'entrée en campagne électorale.

 

Un processus électoral sous haute tension

 

C'est dans ce contexte que s'est déroulée la révision de la liste électorale (RLE) fin 2024, opération jugée insatisfaisante par l'opposition. Selon les chiffres officiels de la Commission électorale  indépendante (CEI), seuls 769 747 nouveaux électeurs ont été recensés sur un objectif de 4,5 millions. La liste provisoire distribuée en mars 2025 présente, selon la CAP-Côte d'Ivoire, de nombreuses anomalies : "des électeurs plus âgés que leurs géniteurs", "des électeurs mineurs au moment de leur enrôlement", ou encore "des migrations sauvages d'électeurs d'une commune à l'autre sans leur consentement".

 

Mais c'est surtout la composition et le fonctionnement de la CEI qui cristallisent les tensions. Depuis la suspension des représentants de trois partis d'opposition majeurs (PPA-CI, PDCI-RDA et FPI), l'organe chargé d'organiser les élections se retrouve, selon l'opposition, sous le contrôle total du parti au pouvoir. "Sur 630 commissions électorales locales, 610 sont présidées par des militants du RHDP", affirme la CAP-Côte d'Ivoire, qui considère désormais que la CEI "n'a plus de fondement légal et ne peut donc plus organiser d'élection légale".

 

Le spectre d'un quatrième mandat

 

Le nœud du problème réside peut-être dans ce que l'opposition qualifie de "projet d'un quatrième mandat" que le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix) voudrait offrir à Alassane Ouattara. Une perspective que la CAP-Côte d'Ivoire dénonce comme "une violation flagrante des dispositions constitutionnelles".

 

Parallèlement, l'opposition accuse le pouvoir d'écarter systématiquement ses figures de proue. Laurent Gbagbo, Soro Kigbafori Guillaume et Charles Blé Goudé ont déjà été écartés "par des artifices juridiques peu dignes d'un Etat de droit", et la coalition s'inquiète maintenant d'une possible radiation de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, de la liste électorale. "Tous les ingrédients pour tout faire imploser se mettent progressivement en place, sous nos yeux !", alerte la CAP-Côte d'Ivoire.

 

Le dialogue politique en panne

 

Face à cette situation, l'opposition réclame depuis août 2024 l'ouverture d'un dialogue politique. Deux courriers ont été adressés au chef de l'État en septembre et octobre 2024, suivis d'une nouvelle lettre de relance récemment. Mais la réponse du ministère de l'Intérieur a été un refus catégorique, au motif que les rencontres de 2022 avaient "traité tous les problèmes".

 

Ce refus de dialogue est perçu comme symptomatique d'un pouvoir qui fait la sourde oreille aux revendications de l'opposition, notamment sur la nécessité de reprendre la révision de la liste électorale en 2025, conformément au code électoral. La CAP-Côte d'Ivoire dénonce l'exclusion du processus électoral des "nouveaux majeurs et des personnes qui ont pu se faire délivrer des documents en vue de se faire inscrire sur la liste électorale".

 

L'opposition se mobilise

 

Face à cette impasse, la CAP-Côte d'Ivoire passe à l'offensive. La coalition annonce l'organisation d'un "grand meeting" à Abidjan le 31 mai prochain, qui sera suivi d'autres "actions d'envergure". Avant cela, elle prévoit une "tournée d'information et d'échanges auprès des chancelleries, des groupes religieux, des chefferies traditionnelles, des organisations syndicales".

 

Les revendications de l'opposition sont claires : organisation d'une révision de la liste électorale en 2025, dissolution de l'actuelle CEI et mise en place d'un "organe véritablement indépendant", audit de la liste électorale, réintégration des opposants exclus (Laurent Gbagbo, Soro Guillaume et Charles Blé Goudé) sur la liste électorale, et maintien de Tidjane Thiam sur ladite liste.

 

Une nation face à ses démons

 

L'escalade des tensions politiques fait craindre une répétition des violences passées. Dans un pays encore marqué par la crise post-électorale de 2010-2011, qui avait fait 3 000 morts selon les chiffres officiels, l'enjeu est de taille.

 

La CAP-Côte d'Ivoire, qui affirme son "attachement à la démocratie, au dialogue et à la conduite des élections sur la base de discussions consensuelles", appelle le pouvoir à "œuvrer à la création d'un environnement politique et social apaisé pour un scrutin sans tension en 2025".

 

Mais les signaux d'alarme se multiplient. La convocation du porte-parole du PDCI-RDA, député de la nation, dans une préfecture de police "pour avoir simplement annoncé une manifestation autorisée dans toutes les démocraties modernes", est perçue comme un signe supplémentaire de la crispation du pouvoir.

 

L’urgence du dialogue

 

A l'approche des élections d'octobre 2025, la Côte d'Ivoire semble à nouveau se diriger vers une période de fortes tensions. L'histoire récente du pays montre que les crises électorales peuvent dégénérer en violences meurtrières. La CAP-Côte d'Ivoire, en lançant son appel au dialogue, tente de briser ce cycle infernal.

 

"En 2025, nous ne devons pas, à nouveau, avoir des morts à l'issue des élections", martèle la coalition d'opposition. Mais pour éviter ce scénario, il faudrait que toutes les parties prenantes acceptent de s'asseoir à la table des négociations.

 

Le refus du dialogue politique par le gouvernement et la radicalisation de l'opposition font craindre le pire. Si rien n'est fait pour désamorcer les tensions, la Côte d'Ivoire pourrait connaître une nouvelle crise post-électorale. Une perspective que nul ne souhaite pour ce pays qui aspire à la paix et au développement. L'horloge tourne et les cinq mois qui nous séparent du scrutin présidentiel seront décisifs pour l'avenir démocratique de la Côte d'Ivoire.

Robert Krassault

ciurbaine@yahoo.fr

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