COTE D'IVOIRE : QUAND L'ABSTENTION DEVIENT L'ARME POLITIQUE D'UN PEUPLE DESENCHANTE

L'élection présidentielle du 25 octobre 2025 en Côte d'Ivoire restera dans l'histoire comme le scrutin de l'absence. Dans un pays longtemps présenté comme un modèle de stabilité retrouvée, moins de la moitié des électeurs s'est déplacée, transformant ce qui devait être une célébration démocratique en révélateur brutal d'une crise de légitimité sans précédent.

 

Ce n'est pas une défaite électorale classique que vient de subir le régime d'Alassane Ouattara. C'est quelque chose de bien plus inquiétant. L'indifférence massive, le rejet silencieux, cette forme de rébellion qui ne brise aucune vitrine mais qui délégitime tout. Les urnes étaient ouvertes, les bulletins disponibles, la machine électorale parfaitement huilée. Pourtant, la moitié du peuple a choisi de rester chez elle, faisant de l'abstention une arme politique redoutable.

 

Dans les quartiers populaires d'Abidjan, à Abobo, à Yopougon, dans les villages de l'intérieur, le boycott n'a pas eu besoin de tracts officiels ni de meetings enflammés. Le mot d'ordre a circulé comme une traînée de poudre à travers les réseaux sociaux, les conversations dans les taxis-brousse et les discussions sur les marchés. L'opposition, menée par Laurent Gbagbo et ses alliés, n'a pas appelé à la violence. Elle a simplement dit : « N'y allez pas. » Et le peuple a écouté.

 

Cette stratégie du refus s'est révélée d'une efficacité dévastatrice. Car comment réprime-t-on des gens qui ne font rien ? Comment arrête-t-on une protestation qui consiste à rester chez soi ? Le régime s'est retrouvé désarmé face à cette forme de résistance civile. Les bureaux de vote, normalement animés et bruyants, ressemblaient à des salles d'attente abandonnées. Les agents électoraux regardaient leurs montres, comptaient les rares votants et échangeaient des regards inquiets.

 

La jeunesse ivoirienne a été le fer de lance de ce boycott. Cette génération connectée, informée, consciente de ce qui se passe ailleurs sur le continent, refuse d'être complice d'une mascarade. Elle ne croit plus aux discours enflammés, aux programmes mirobolants, aux slogans patriotiques. Elle a compris que le système n'est pas fait pour elle, mais pour perpétuer les mêmes élites au pouvoir. Son arme ? Ne pas voter. Son message ? "Vous ne nous représentez plus."

 

La Commission électorale indépendante, qui porte bien mal son nom, s'est alors lancée dans un exercice périlleux. Comment présenter un échec comme un succès ? Ibrahime Kuibiert Coulibaly, son président, a annoncé un taux de participation de 48,23 %, un chiffre qui ressemble à une gifle pour le pouvoir. Dans les couloirs feutrés du palais présidentiel, l'air est devenu irrespirable. Les technocrates s'agitent, les experts calculent, cherchant la formule magique qui transformera la défaite en victoire acceptable.

 

Mais aucun ajustement technique ne peut masquer une réalité fondamentale. Le peuple ivoirien n'était pas au rendez-vous. Cette élection devait être le couronnement d'une décennie au pouvoir. Elle devient le symbole d'une rupture profonde entre les gouvernants et les gouvernés. Le risque d'annulation plane désormais comme une épée de Damoclès sur le régime. Car si ce scrutin était invalidé, ce serait un tremblement de terre politique sans précédent.

 

Ce qui se joue en Côte d'Ivoire dépasse les frontières du pays. C'est un moment symbolique pour toute l'Afrique. Le désenchantement exprimé par les Ivoiriens résonne avec ce que ressentent des millions d'Africains ailleurs. Cette fatigue démocratique, cette lassitude face à des systèmes électoraux qui produisent toujours les mêmes résultats. Le boycott pourrait devenir le nouveau langage politique de l'opposition africaine, une forme de résistance adaptée aux régimes qui ont appris à manipuler les élections tout en préservant une façade démocratique.

 

Alassane Ouattara peut proclamer sa victoire, mais on ne gouverne pas un pays dont la moitié de la population a refusé de le choisir.

Robert krasssault

Source : Stanlo Panafricain

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