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CAP-CI À FICGAYO : L'OPPOSITION IVOIRIENNE EXIGE DES ÉLECTIONS TRANSPARENTES

A quelques mois de l'élection présidentielle d'octobre 2025, la Coalition pour l'alternance pacifique en Côte d'Ivoire (CAP-CI) a organisé son premier grand rassemblement à Yopougon, démontrant sa capacité de mobilisation et lançant un défi direct au pouvoir en place.

 

La mythique Place FICGAYO de Yopougon était noire de monde ce samedi 31 mai 2025. Dès 11 heures du matin, militants, sympathisants et citoyens venus des quatre coins de la Côte d’Ivoire ont pris d’assaut ce lieu symbolique de l’opposition ivoirienne, surnommé le "KwaZulu-Natal" en référence au bantoustan sud-africain qui fut un terrain de lutte contre l’apartheid. Cette mobilisation exceptionnelle marquait le véritable premier rassemblement unitaire de plusieurs partis d'opposition depuis les tentatives réprimées du Front populaire ivoirien au début des années 2010, après l'arrestation du président Laurent Gbagbo.

 

A midi précise, la manifestation a débuté par une cérémonie de libation menée par les chefs de la terre de Yopougon-Attié, confiant l'événement aux mânes des ancêtres pour qu'il se déroule sans incident. Cette ouverture traditionnelle a donné le ton d'une journée qui allait marquer l'histoire politique récente de la Côte d'Ivoire.

 

Charles Blé Goudé, président du Comité d'organisation, a ensuite pris la parole pour lancer officiellement les interventions. Dans un discours vibrant d'émotion, il a déclaré : « Fiers Ivoiriens, le pays nous appelle. Et nous qui sommes ici, vos regards nous ont parlé. Vous nous avez demandé de nous rassembler. Partout où nous sommes passés, votre seul regard a suffi pour nous interpeller, vos larmes nous ont interpellés, vos tristesses nous ont réunis. » L’ancien ministre a souligné que cette coalition transcende les ambitions personnelles et les clivages partisans. « Nous nous sommes réunis au-delà de notre égo, au-delà nos ambitions personnelles, nous voici regroupés au nom de CAP Côte d'Ivoire. »

 

Éric Kahé Kplohourou, président de l'URD et ancien ministre, a concentré son intervention sur la question cruciale de la liste électorale. Après avoir rendu hommage à Laurent Gbagbo en ce jour de son anniversaire, il a développé une métaphore saisissante pour décrire les dysfonctionnements du système électoral ivoirien. « Comparé à un match de football, je reviens et je dis que l'arbitre a un sifflet dont on n'entend pas le son. Les poteaux du match de football n'ont pas de filets. »

 

L'ancien ministre a pointé du doigt les anomalies de la Commission électorale indépendante (CEI) qui enregistre des électeurs de moins de 18 ans et des électeurs plus âgés que leurs parents. Il a également dénoncé les inégalités du découpage électoral où certaines régions peuvent avoir 60% de la population mais le même nombre de députés qu'une région moins peuplée. « Le système que nous avons en Côte d'Ivoire n'est pas fiable. C'est pourquoi nous avons demandé l'audit du système, l'audit de la liste électorale », a-t-il martelé.

 

Le président du Front populaire ivoirien, Pascal Affi N'Guessan, a livré l'un des discours les plus applaudis de la journée. Il a justifié la création de CAP-CI par la nécessité de « mettre fin au régime qui nous torture à l'heure actuelle, pour que tout soit mis en œuvre pour mettre fin à la division, pour mettre fin à l'exclusion, pour mettre fin à la corruption, à l'instrumentalisation de la Justice, au détournement des deniers publics, à la fragilisation des institutions de la République. »

 

Mais c'est surtout sa charge contre le président Alassane Ouattara qui a galvanisé la foule. « Alassane Ouattara c'est un spécialiste du verrouillage. Il verrouille tout. Il a verrouillé l'armée, il a verrouillé l'administration, il a verrouillé la Justice, il a même verrouillé les chefs coutumiers, il a verrouillé les organisations de la société civile. Même les religieux, il veut les verrouiller. Et nous n'accepterons pas ce verrouillage. Nous allons déverrouiller », a-t-il lancé dans une atmosphère électrique.

 

L'ancien Premier ministre a détaillé ce qu'il considère comme une prise en otage de la CEI : sur 630 commissions électorales locales, Ouattara aurait réussi à placer ses partisans à la tête de 610 d'entre elles, et sur 18 membres de la Commission électorale centrale, 15 seraient acquis au pouvoir. « Nous ne voulons pas qu'en 2025, Coulibaly Kuibiert aille proclamer le résultat de l'élection présidentielle encore une fois au Q.G. d'Alassane Ouattara », a-t-il prévenu, faisant référence aux événements controversés de 2010.

 

L'un des moments forts de la journée a été l'intervention surprise de Cheick Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA et de la conférence des présidents de CAP-CI, depuis Paris par visioconférence. Après que Georges Ezalé, vice-président du PDCI-RDA, ait annoncé cette ‘’grosse surprise’’, l'ancien dirigeant de Credit Suisse s'est adressé directement aux militants.

 

« A plus de 60 ans, nous ne sommes pas arrivés à voir dans notre beau pays des élections pluralistes, apaisées et sans contestations et de violences », a-t-il constaté. Mais c'est sa conclusion qui a marqué les esprits. « Le message que j'ai pour ce matin est simple et il tient en une phrase : il ne faut pas prendre les Ivoiriens pour des idiots, nous ne sommes pas des idiots. » Cette phrase, prononcée avec fermeté, résume l'état d'esprit de l'opposition qui refuse d'être marginalisée dans le processus électoral.

 

Dr. Simone Ehivet Gbagbo, présidente du Mouvement des générations capables (MGC), a conclu la série des interventions en rappelant que les revendications portées par CAP-CI ne sont pas nouvelles. Elle a précisé que ces demandes de réformes pour obtenir des élections justes, transparentes et pacifiques ont été formellement adressées au gouvernement dès le 9 août 2024.

 

Ce premier meeting de CAP-CI à FICGAYO aura démontré plusieurs choses essentielles. D'abord, la capacité de mobilisation de cette coalition qui rassemble des partis aux histoires et idéologies différentes : FPI, PDCI-RDA, COJEP, MGC, URD, PIP, IARD, entre autres. Ensuite, l'unité de ton et de message autour des revendications centrales : audit de la liste électorale, dissolution et reconstitution de la CEI, et garanties pour des élections inclusives et transparentes.

 

La coalition se présente explicitement comme une plateforme non idéologique, sans ambition de candidature unique, mais portée par la volonté commune d'obtenir des conditions électorales équitables. Cette approche tranche avec les habitudes politiques ivoiriennes où les rassemblements d'opposition visent généralement à porter une candidature unique.

 

Le choix de Yopougon pour ce lancement n'est pas anodin. Cette commune populaire du District d'Abidjan, bastion historique de l'opposition, symbolise la résistance face au pouvoir central. La référence au KwaZulu-Natal sud-africain rappelle que les luttes pour la démocratie s'inscrivent dans une histoire longue de résistance à l'oppression.

 

A travers ce rassemblement massif et ces discours offensifs, CAP-CI lance un défi direct au régime d'Alassane Ouattara et au RHDP. L'opposition affirme qu'elle ne laissera pas passer un « passage en force » lors des élections d'octobre 2025 et qu'elle est « débout et mobilisée » pour l'empêcher.

 

Les mois à venir diront si cette mobilisation se confirmera et si CAP-CI parviendra à obtenir les réformes réclamées. Mais ce 31 mai 2025 restera comme le jour où l'opposition ivoirienne a retrouvé une unité et une voix communes après des années de divisions. La réponse du pouvoir à ces revendications sera déterminante pour l'avenir démocratique de la Côte d'Ivoire.

 

Robert Krassault

ciurbaine@yahoo.fr

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