La conférence de presse tenue jeudi 11 septembre par Pascal Affi N’Guessan au siège du FPI à Abidjan-Cocody restera comme un moment charnière de la vie politique ivoirienne. Trois jours après l’invalidation de sa candidature par le Conseil constitutionnel, le président du Front populaire ivoirien a lancé un appel retentissant à l’unité absolue de l’opposition pour empêcher ce qu’il qualifie de quatrième mandat inconstitutionnel et immoral d’Alassane Ouattara.
Les chiffres brandis par Affi N’Guessan sont pour le moins troublants : 29.638 parrainages invalidés selon le Conseil constitutionnel, dont 21.143 pour des numéros de cartes nationales d’identité erronés. Plus troublant encore, l’écart de 2.164 parrainages entre les 44.382 signatures déposées sur clé USB à la CEI et les 46.546 comptabilisés par le Conseil constitutionnel. « Il est donc évident que le dossier de parrainages analysé par le Conseil constitutionnel n’est pas celui que nous avons déposé », a martelé le dirigeant du FPI.
Ces accusations de manipulation, si elles devaient être avérées, constitueraient une grave entorse au processus démocratique. La décision de Pascal Affi N’Guessan de porter plainte contre X et de demander une enquête judiciaire témoigne de la gravité de la situation. Le fait que 80% de ses parrains de 2025 l’avaient déjà parrainé en 2020 – parrainages alors validés – renforce la crédibilité de ses interrogations.
L’analyse politique d’Affi N’Guessan va au-delà de son cas personnel. L’élimination simultanée des trois présidents des partis d’opposition que sont le PDCI-RDA, le PPA-CI et le FPI dessine selon lui un schéma de verrouillage électoral. Cette situation, où les principaux adversaires potentiels du président sortant se retrouvent écartés, pose des questions légitimes sur la sincérité du pluralisme démocratique ivoirien.
Le diagnostic est sévère : « Le président Ouattara a choisi ses adversaires afin de verrouiller le processus électoral. » Cette accusation de manipulation du jeu électoral, si elle devait être confirmée, remettrait en cause la crédibilité de tout le processus démocratique aux yeux de la communauté internationale.
Face à cette situation, l’appel d’Affi N’Guessan à l’unité de l’opposition prend tout son sens. « Cette bataille implique l’unité absolue de l’opposition », a-t-il insisté, reconnaissant que « seule une stratégie commune permettra d’empêcher le 4ème mandat. » Cette lucidité tactique témoigne d’une maturité politique face à l’adversité.
Son approche inclusive – « Il ne m’appartiendra pas de définir seul les modalités de la lutte » – contraste avec les habituelles rivalités de l’opposition ivoirienne. L’heure semble à la convergence des forces contestataires, conscientes que « aller en ordre dispersé n’aurait pas de sens. »
Au-delà des enjeux partisans, c’est la santé démocratique de la Côte d’Ivoire qui se joue. La demande de suspension du processus électoral, le temps d’une enquête sur les manipulations, apparaît comme un test de la capacité des institutions à garantir la transparence et l’équité du scrutin.
L’opposition ivoirienne se trouve à un carrefour : soit elle parvient à s’unir autour d’une stratégie commune, soit elle laisse s’installer ce que Pascal Affi N’Guessan dénonce comme une « présidence à vie. » L’avenir démocratique du pays se joue peut-être dans cette capacité d’union face à l’adversité.
Robert Krassault
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